Fleuve sauvageđ§
Hier, on fĂȘtait les 70 ans de Pedro Almodovar, les coureurs du Paris/Versailles, lâĂ©quipe de rugby galloise⊠mais aussi la journĂ©e mondiale des riviĂšres et fleuves ! đ„ł
Lâoccasion rĂȘvĂ©e de parler des fleuves sauvages en gĂ©nĂ©ral.
Et de la Vjosa en particulier.
Mais dis-moi Jamy, un fleuve sauvage, quâest-ce que câest ? đ€
Il sâagit simplement dâun fleuve dont on nâa pas dĂ©tournĂ© le cours et sur lequel aucun barrage nâa Ă©tĂ© construit.
C'est tout.
Ce nâest pas un statut de protection ou une zone Ă©loignĂ©e des vies humaines. 60 000 personnes vivent par exemple le long de la Vjosa, dernier fleuve sauvage d'Europe.
C'est tout. Mais c'est déjà énorme.
Pourquoi ?
Parce que des barrages ont été construits sur quasiment tous les fleuves en Europe : il y a en moyenne en France un obstacle (barrage, seuil, écluse, moulin) tous les 7 km sur nos cours d'eau !
Certains de ces obstacles sont bien Ă©videmment nĂ©cessaires : lorsquâils nous servent Ă produire de lâĂ©lectricitĂ© ou Ă transporter des marchandises. đą
Le problÚme survient quand ces barrages, devenus obsolÚtes et inutilisés, ne sont pas démantelés.
C'est le cas de 150 000 ouvrages en Europe, selon Dam Removal. đ
Or ces antiquités ont un réel impact sur la biodiversité.
Ils posent un gros souci aux poissons migrateurs : esturgeon, saumon, truite et autre anguille se retrouvent bloquĂ©s par ces murailles, ne pouvant plus rejoindre leur zone de reproduction ou d'alimentation. đ
L'Indice PlanÚte Vivante révÚle un déclin de 93 % des poissons migrateurs d'eau douce en Europe au cours des 50 derniÚres années !
C'est juste Ă©normissime.
Il y a donc urgence à « lutter pour la restauration de la continuité physique des cours d'eau ».
Expression de technocrates qui parlera au cerveau gauche. đ€Ż
Et puis il y a le reste aussi.
Passer deux semaines sur une riviĂšre c'est vivre Ă vitesse grand V (et parfois Ă lenteur grand L) le cycle de sa vie.
đ§La voir naĂźtre, dans une terre humide. Sorte de flaque sans prĂ©tention et sans ambition.
đ§Se transformer en un filet d'eau, puis en petit ruisseau.
đ§Prendre forme et vie, entre deux rapides.
đ§Gagner en Ă©paisseur, voire en personnalitĂ©.
đ§Prendre de la place, s'imposer sur le territoire jusqu'Ă le dominet, faisant ployer les arbres et creuser la roche.
đ§N'ayant que faire de nous, humains, et de nos inventions bureaucratiques (une frontiĂšre ? un non sujet pour une riviĂšre).
đ§DĂ©cider de son cheminement, accueillir la force dâinfluents affluents, devenir elle-mĂȘme Ćuvre collective.
đ§Simuler la fatigue, puis se rĂ©veiller colĂ©rique, prĂȘte Ă en dĂ©coudre.
đ§Tout cela pour enfin mourir. Ou plutĂŽt apporter sa pierre liquide Ă l'Ă©difice des ocĂ©ans. Pour le meilleur et pour le pire, puisque 80% des eaux usĂ©es sont rejetĂ©es dans les riviĂšres sans traitement Ă lâĂ©chelle mondialeâŠ
Avant cette expérience fluviale, je pensais que seuls les animaux et les végétaux étaient vivants.
J'ai dĂ©couvert que les fleuves l'Ă©taient Ă©galement, Ă leur façon. đ