Bivouac solođđ»
« Mais tu nâas pas peur de randonner et dormir seule, dans la nature ? »
Je ne supporte plus cette question, qui mâest posĂ©e par des femmes, des hommes, des proches et des inconnus.
PARCE QUE je risque plus de me faire agresser en rentrant seule chez moi en pleine nuit quâen randonnant au fin fond du Mercantour.
Câest dramatique et affligeant mais câest la triste vĂ©ritĂ©.
PARCE QUâen France, le risque de se faire attaquer par un animal sauvage est trĂšs trĂšs trĂšs trĂšs faible. Soyons honnĂȘtes : nous zigouillons tout ce qui bouge, personne nâa vraiment envie de sâapprocher de nous.
Ăa aussi câest affligeant dâailleurs.
PARCE QUE câest Ă cause de ce type de questions que de nombreuses femmes nâosent pas fouler les sentiers seules. Alors quâelles le veulent. Je le sais, jâen connais une dizaine qui ont Ă©tĂ© dĂ©couragĂ©es ou effrayĂ©es par des proches leur prĂ©disant moultes mĂ©saventures rocambolesques et ont finalement dĂ©cidĂ© de ranger leur sac Ă dos aussi sec.
Câest Ă©galement affligeant parce que marcher seule (ou seul dâailleurs), câest un moyen incroyable de se connaĂźtre, gagner en confiance en soi et se sentir libre.
PARCE QUE je suis certaine que, si jâĂ©tais un homme, jamais on ne me poserait cette question. Sous-entendu quâun homme pourrait plus facilement « survivre » (pour rappel, on parle de randonner en forĂȘt, on se calme) dans la nature vierge et hostile quâune femmeâŠ
Affligeant.
Câest en acceptant ce type de discours quâon accepte par la mĂȘme occasion les diffĂ©rences de salaires, la place de la femme dans la sociĂ©tĂ©, les plafonds de verre, etc. Je mĂ©lange tout ? Câest possible, mais pour moi, cette question ouvre la porte Ă tout un tas de prĂ©suppositions extrĂȘmement dangereuses.
Et considĂ©rer cette question comme normale (car elle Ă©mane la plupart du temps dâune bonne intention), câest planter une graine dans la tĂȘte de beaucoup de femmes.
Une petite graine dĂ©vastatrice qui nous susurre Ă lâoreille que nous ne sommes pas Ă la hauteur, que nous ne sommes pas Ă notre place dehors, que ce nâest pas pour nous, que câest trop dangereux. Que nous ferions mieux dâabandonner avant mĂȘme dâavoir essayĂ©.
En tant que parent, ami, proche, collĂšgue, bref, en tant que membre de la sociĂ©tĂ©, nous avons tous une responsabilitĂ© Ă ce sujet. ArrĂȘtons de nous Ă©tonner (voire de nous inquiĂ©ter) quand une femme - peu importe son Ăąge - dĂ©cide de partir seule.
Ravalons nos craintes et posons-nous juste la question : aurions-nous rĂ©agi de la sorte sâil sâĂ©tait agi dâun homme ?
PS : non, nous ne sommes pas le 8 mars. Je pense que la libertĂ© de la femme Ă disposer de ses mollets mĂ©rite dâĂȘtre abordĂ©e plus dâune fois par an.